Ô belle sérieuse,
Dans l’œil ou dans le front,
Ni la brune oublieuse,
Ni la blonde rieuse
N’ont ton charme profond.
Comme la brune folle,
Tu souris au plaisir ;
Mais, moins qu’elle frivole,
Plus haut, plus loin, s’envole
Ton immense désir.
Comme la vierge blonde,
Tu demandes l’amour ;
Mais ton regard le sonde,
Il abandonne au monde
Les idoles d’un jour.
Ici, de toute joie
On n’a que la moitié ;
Le cœur léger s’y noie ;
Cette chétive proie,
Tu la prends en pitié.
Tu sens que la lumière
Est plus que les couleurs ;
Qu’elles sont sa poussière,
De toi vivant, ô mère,
Et mourant, si tu meurs ;
Que du lion la pose
Dit tout, tandis qu’un bond
N’exprime qu’une chose ;
Tu sens que, s’il repose,
Le sublime est sans fond.
Et tu restes sereine ;
C’est pourquoi tu me plais ;
Et ton beau front de reine
Se couronne, ô sirène,
D’une aurore de paix.
J’aime ta beauté grave ;
Magique est le couchant,
D’or, de pourpre ou de lave ;
Mais pur, simple et suave,
N’est-il pas plus touchant ?
Océan, quand tu grondes,
Je t’admire, Océan,
Mais, tranquilles, tes ondes
Ont, deux fois plus profondes,
Plus de grandeur, géant !
Ni la brune oublieuse,
Dans l’œil ou dans le front,
Ni la blonde rieuse,
Ô belle sérieuse,
N’ont ton charme profond.
En toute créature
Dans l’art, temple de feu,
Dans l’homme et la nature,
Ton œil, ô vierge pure,
Cherche le doigt de Dieu.
Tu sais vivre en toi-même,
Et, quand meurent tous bruits,
Ton âme, instant suprême,
Entend la voix qu’elle aime
Dans le calme des nuits.
Le jour est pour la vie ;
Tu sais vivre en aimant ;
Ton âme est poursuivie
De l’immortelle envie
Du complet dévouement.
Bien souvent ton cœur saigne,
Non que Dieu l’ait puni,
Non que, timide, il craigne,
Ou que, lâche, il se plaigne,
Mais il veut l’infini.
Sainte, aimante, héroïque,
L’œil limpide et loyal,
Ton profil est antique,
Ta voix une musique,
Ton rêve, l’idéal.
Je trouve Hébé jolie
Et charmante Cérès ;
Mais une autre harmonie,
Ô Vénus-Uranie,
Resplendit sur tes traits.
Laure est belle, ô Pétrarque,
L’œil enchanté, je suis
Angélique en sa barque ;
Mais la divine marque
Est sur toi, Béatrix !
Ô belle sérieuse,
Dans tout ce qu’elles font,
Ni la brune oublieuse,
Ni la blonde rieuse,
N’ont ton charme profond.
L’une éveille ma lyre,
L’autre sait me charmer ;
Mais pour toi je respire,
Fille au divin sourire,
Et toi, je veux t’aimer.