François-Marie Robert-Dutertre

Le printemps.

Gentils oiseaux, venez à ma fenêtre,
Ce blanc duvet est pour vos petits nids ;
Je sens aussi que le printemps va naître,
Mon cœur ému s’épanche au sein des nuits.
Les fleurs déjà dégagent leurs corolles,
Leur corset vert ne craint plus les autans ;
Voici les jours des jeux, des danses folles,
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
 
Présage heureux, la nature féconde
Sème de fleurs le lit de son époux ;
Partout l’amour devient la loi du monde
Et les amants ont des regards plus doux.
Voici venir l’heure de la tendresse,
L’heure joyeuse aux baisers éclatants ;
Buvons donc tous aux coupes de l’ivresse ;
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
 
Oh ! connue vous que n’ai-je aussi des ailes
Pour m’envoler sous les bois odorants !
Que n’ai-je aussi des caresses nouvelles
Pour apaiser mes pensers délirants !
Mais ici-bas, solitaire et rêveuse,
Je ne connais que les tristes instants ;
Combien pourtant je voudrais être heureuse !
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
 
En écoutant la chanson si jolie
Que vous jetez aux vents de l’horizon,
Je sens mon cœur pris de mélancolie,
Et de désirs qui troublent ma raison,
Après ces chants qui peignent votre flamme,
De volupté je vous vois palpitants ;
Et moi j’attends à qui donner mon âme ;
Jolis oiseaux, célébrons le printemps,
 
N’ai-je pas droit à la faveur céleste,
Au tendre amour, à ma part de bonheur ?
La vie, hélas ! serait un don funeste
Si l’on devait languir dans le malheur ;
Mais Dieu jamais ne manque à ses promesses,
Il fit un cœur pour tout cœur de vingt ans.
Je suis aimée, allons ! plus de tristesses,
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.

Les loisirs lyriques (1866)

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