François-Marie Robert-Dutertre

Concorde et liberté.

Aux temps futurs si tu veux vivre libre,
Connais tes droits, jeûne postérité ;
Que ton cœur batte et que ton âme vibre
Aux fiers accents, aux cris de liberté.
L’heure n’est plus d’une œuvre puérile,
Aux grands travaux il faut porter la main ;
Peuples vêtus de la robe virile,
Affranchissez partout le genre humain.
 
Ils ne sont rien, ces faibles grains de sable.
Mais lorsqu’entr’eux le ciment les unit,
Il sait en faire un socle impérissable,
Bravant les ans autant qu’un dur granit.
Unissez-vous, et, sur le sol humide,
Du sang versé gardant le souvenir,
Consolidez la haute pyramide
Qui doit porter les âges à venir.
 
Oui, que chacun au bien commun s’efforce ;
Car qui se sent un peu de sève au cœur
Doit apporter et son âme et sa force,
Et concourir à ce fécond labeur.
Quittez aussi l’école routinière,
Vieillards qu’on voit trop enclins aux regrets,
Il faut aider à tirer de l’ornière
Le char brillant où siège le progrès.
 
Comprenez mieux vos devoirs, jeunes mères,
Vous qui formez le cerveau de l’enfant,
Préservez-le des plaisirs éphémères,
Loisirs trompeurs que la raison défend.
En lui montrant combien est ridicule
Le faux clinquant sur de vains oripeaux,
Tâchez plutôt qu’il devienne l’émule
Des grands savants et des nobles héros.
 
Faites qu’il parle aux aristocraties
Sans se courber comme un plat courtisan,
Car il est beau dans les démocraties
De bien porter son titre d‘artisan.
Nous, tous aussi, libres penseurs, mes frères,
Ne songeons plus à goûter le repos
Sans avoir vu les pouvoirs tutélaires
Assurer l’ordre en chassant le chaos.
 
Un même sort ici-bas nous enchaîne,
Jeunes rêveurs ou soldats du passé,
Soyons unis ; que des siècles de haine
Tout souvenir en nous soit effacé.
Peuples, n’ayons qu’une même patrie,
De nos combats oublions le chemin ;
Ô liberté ! Divine idolâtrie !
A ton autel serrons-nous tous la main.

Les loisirs lyriques (1866)

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