François-Marie Robert-Dutertre

Mélancolie.

Déesse au front pensif, amante des charmilles,
Des sentiers ignorés et des grands bois épais,
Qui te plais à troubler l’âme des jeunes filles
Dans leur plus doux pensers d’innocence et de paix ;
 
Qui près des noirs cyprès et des blancs mausolées,
Viens visiter les morts pour qu’ils ne soient pas seuls,
Répondant par des pleurs à leurs voix désolées,
Qui gémissent en vain à travers leurs linceuls,
 
Voix que toi seule entend et que le monde oublie ;
Sur l’aile d’un amour que d’autres envieront,
Hélas ! Pourquoi viens-tu, pâle Mélancolie,
En chassant ma gaité te penser sur mon front.
 
Oui, mon âme s’épuise et mon cœur saigne et pleure,
Et plus avant toujours pénètre la douleur.
Attendre, attendre encore, c’est mourir à toute heure,
Car c’est livrer sa vie aux chances du malheur.
 
Emportant dans son vol nos plus belles années,
Le temps fait sans retour et fauche à tout instant,
Au hasard et sans choix le champ des destinées.
Prête à nous engloutir toujours la fosse attend.
 
Qui sait si dans six mois troublant l’écho nocturne,
Dans le champ du repos, l’un ou l’autre de nous,
Son front pâle appuyé sur le marbre d’une urne,
Ne viendra pas le soir pleurer à deux genoux.

Les loisirs lyriques (1866)

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