Évariste de Parny

Le lendemain (I)

Tu l’as connu, ma chère Éléonore
Ce doux plaisir, ce péché si charmant,
Que tu craignais, même en le désirant ;
En le goûtant, tu le craignais encore.
Eh bien ! dis-moi : qu’a-t-il donc d’effrayant ?
Que laisse-t-il après lui dans ton âme ?
Un léger trouble, un tendre souvenir,
L’étonnement de sa nouvelle flamme,
Un doux regret, et surtout un désir.
Déjà la rose aux lis de ton visage
   Mêle ses brillantes couleurs ;
Dans tes beaux yeux, à la pudeur sauvage
   Succèdent les molles langueurs,
   Qui de nos plaisirs enchanteurs
Sont à la fois la suite et le présage.
Déjà ton sein, doucement agité,
   Avec moins de timidité
   Repousse la gaze légère
   Qu’arrangea la main d’une mère,
   Et que la main du tendre amour,
   Moins discrète et plus familière,
   Saura déranger à son tour.
   Une agréable rêverie
   Remplace enfin cet enjouement,
   Cette piquante étourderie,
   Qui désespéraient ton amant ;
   Et ton âme plus attendrie
   S’abandonne nonchalamment
   Au délicieux sentiment
   D’une douce mélancolie.
   Ah ! laissons nos tristes censeurs
   Traiter de crime impardonnable
   Le seul baume pour nos douleurs,
   Ce plaisir pur, dont un dieu favorable
   Mit le germe dans tous les coeurs
   Ne crois pas à leur imposture.
   Leur zèle hypocrite et jaloux
   Fait un outrage à la nature :
   Non, le crime n’est pas si doux.

Poésies érotiques (1778)

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