Évariste de Parny

L’impatience

Ô ciel ! après huit jours d’absence,
Après huit siècles de désirs,
J’arrive, et ta froide prudence
Recule l’instant des plaisirs
Promis à mon impatience !
« D’une mère je crains les yeux ;
« Les nuits ne sont pas assez sombres ;
« Attendons plutôt qu’à leurs ombres
« Phébé ne mêle plus ses feux.
« Ah ! si l’on allait nous surprendre !
« Remets à demain ton bonheur ;
« Crois-en l’amante la plus tendre ;
« Crois-en ses yeux et sa rougeur,
Tu ne perdras rien pour attendre. »
Voilà les vains raisonnements
Dont tu veux payer ma tendresse ;
Et tu feins d’oublier sans cesse
Qu’il est un dieu pour les amants.
Laisse à ce dieu qui nous appelle
Le soin d’assoupir les jaloux,
Et de conduire au rendez-vous
Le mortel sensible et fidèle
Qui n’est heureux qu’à tes genoux.
N’oppose plus un vain scrupule
À l’ordre pressant de l’Amour ;
Quand le feu du désir nous brûle,
Hélas ! on vieillit dans un jour.

Poésies érotiques (1778)

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