Charles Guérin

Le navrant sourire où monte un flot de larmes.

Ah ! le navrant sourire où monte un flot de larmes,
Et nos cœurs douloureux et lourds qui battent l’heure !
Détourne ton visage et laisse-moi. Qu’il pleure,
Le pauvre enfant blotti sur ton sein, pauvre femme !
 
Dérobe-moi tes yeux : les suprêmes regards
Brisent la faible force amoureuse en sanglots.
La lampe jaunit ; vois, poindre entre les rideaux,
Amer et gris, le jour éternel du départ.
 
Épargne-moi les mots charitables qui mentent
Si mal, qui font si mal en vain, ô mon amante !
Adieu, sache me dire adieu, tout simplement.
 
Mais la femme est adroite à duper la douleur,
Et je rêve, apaisé par ton courage aimant,
Qu’une mère sourit à son enfant qui meurt.

Le cœur solitaire (1896)

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