Charles Guérin

Le ciel pâlit, la terre humide et reposée.

Le ciel pâlit, la terre humide et reposée
Respire. Messager du matin, le vent pur
Agite faiblement la vigne sur le mur
Et d’une main timide entr’ouvre ma croisée.
 
Une lueur d’argent lustre l’herbe brisée,
Car, des coteaux de l’est au val encore obscur,
Dénouant ses cheveux de genêt dans l’azur,
L’aube en riant chemine à travers la rosée.
 
Le brouillard se déchire aux branches du verger ;
Le soleil qui se lève y jette un or léger
Et baigne au bord du toit les grappes de glycine.
 
À l’orient d’un cœur nocturne, ainsi l’amour
Déploiera son plumage éblouissant de cygne ;
Et j’en ai peur comme une étoile a peur du jour.

Le cœur solitaire (1896)

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