Charles Guérin

La maison dort

La maison dort au cœur de quelque vieille ville
Où des dames s’en vont, lasses de bonnes œuvres,
S’assoupir en suivant l’office de six heures,
Ville où le rouet gris de l’ennui se dévide.
 
Dans la cour un bassin où pleurent les eaux vives
D’avoir vu verdir les Tritons et d’être seules.
Et la maison laisse gémir les eaux jaseuses ;
Ses yeux sont noirs où s’avivaient jadis les vitres,
 
Et, vers le soir, les cuivres du soleil s’éteignent
Sur les plafonds tendus de terreuses dentelles
Qu’un coup de vent parfois tord comme des écharpes.
 
Les mites ont aimé dans les tentures ternes ;
Aussi, charme décoloré des chambres, charme
Des rêves qu’on a trop songés et qui se taisent.

Le sang des crépuscules (1895)

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