Charles Dovalle

Mon rêve.

« Jeune imprudent, ne brave pas l’orage,
L’indépendance est un mot oublié !
Courbe ton front ! » me disait un vieux sage,
Qu’au char des grands la crainte avait lié.
« Que le bandeau qui couvre nos misères,
Lui dis-je alors, par vous soit écarté :
Mais moi, qui suis dans l’âge des chimères,
Ah ! laissez-moi rêver la liberté !
 
Si votre cœur, lassé de trop de haines,
A soixante ans, ne peut plus s’émouvoir ;
Si, sans frémir, vous contemplez nos chaînes.
Moi, j’ai vingt ans, je ne veux pas les voir !
D’illusions j’ai bercé ma jeunesse,
Je crains encore la triste vérité...
Gardez, gardez votre froide sagesse,
Et laissez– moi rêver la liberté !...
 
Quand les bourreaux, sous d’injustes entraves,
Des nobles cœurs ont comprimé l’essor,
Serfs indolents, que des milliers d’esclaves
Pour s’affranchir n’osent faire un effort !
Moi, du soleil je sens les étincelles,
Du champ des airs, aiglon déshérité,
Moi, vers les cieux, je tends encore mes ailes...
Ah ! laissez-moi rêver la liberté !...
 
Je sais qu’au sein même des républiques,
La liberté craint les ambitieux...
Je sais qu’il est des prêtres fanatiques
Qui se sont mis à la place des dieux.
Mais je caresse un séduisant mensonge,
Je suis amant !... Rois, pontifes, beauté,
Puisque pour nous elle n’est plus qu’un songe,
Ah ! laissez-moi rêver la liberté ! »

Poésies de feu (1830)

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