Charles-Augustin Sainte-Beuve

Sainte Thérèse à Jésus crucifié

                       Sonnet.
 
 
   Ce qui m’excite à t’aimer, ô mon Dieu,
Ce n’est pas l’heureux ciel que mon espoir devance,
   Ce qui m’excite à t’épargner l’offense,
Ce n’est pas l’enfer sombre et l’horreur de son feu !
 
   C’est toi, mon Dieu, toi par ton libre vœu
Cloué sur cette croix où t’atteint l’insolence ;
   C’est ton saint corps sous l’épine et la lance,
Où tous les aiguillons de la mort sont en jeu.
 
Voilà ce qui m’éprend, et d’amour si suprême,
Ô mon Dieu, que, sans ciel même, je t’aimerais ;
Que, même sans enfer, encor je te craindrais !
 
Tu n’as rien à donner, mon Dieu, pour que je t’aime ;
Car, si profond que soit mon espoir, en l’ôtant,
Mon amour irait seul, et t’aimerait autant !

Pensées d’août (1837)

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