L’hiver est sorti de sa tombe,
Son linceul blanchit le vallon ;
Le dernier feuillage qui tombe
Est balayé par l’aquilon.
Nichés dans le tronc d’un vieux saule,
Les hiboux aiguisent leur bec ;
Le bûcheron sur son épaule
Emporte un fagot de bois sec.
La linotte a fui l’aubépine,
Le merle n’a plus un rameau ;
Le moineau va crier famine
Devant les vitres du hameau.
Le givre que sème la bise
Argente les bords du chemin ;
À l’horizon la nue est grise :
C’est de la neige pour demain.
Une femme de triste mine
S’agenouille seule au lavoir ;
Un troupeau frileux s’achemine
En ruminant vers l’abreuvoir.
Dans cette agreste solitude,
La mère, agitant son fuseau,
Regarde avec inquiétude
L’enfant qui dort dans le berceau.
Par ses croassements funèbres
Le corbeau vient semer l’effroi,
Le temps passe dans les ténèbres,
Le pauvre a faim, le pauvre a froid
Et la bise, encor plus amère,
Souffle la mort.—Faut-il mourir ?
La nature, en son sein de mère,
N’a plus de lait pour le nourrir.