André Breton

Les États Généraux

Dis ce qui est dessous parle
 
Dis ce qui commence
 
Et polis mes yeux qui accrochent à peine la lumière
 
Comme un fourré que scrute un chasseur somnambule
 
Polis mes yeux fais sauter cette capsule de marjolaine
 
Qui sert à me tromper sur les espèces du jour
 
Le jour si c’était lui
 
Quand passe sur les campagnes l’heure de traire
 
Descendrait-il si précipitamment ses degrés
 
Pour s’humilier devant la verticale d’étincelles
 
Qui saute de doigts en doigts entre les jeunes femmes
 
des fermes toujours sorcières
Polis mes yeux à ce fil superbe sans cesse renaissant
 
de sa rupture
Ne laisse que lui écarte ce qui est tavelé
Y compris au loin la grande rosace des batailles
Comme un filet qui s’égoutte sous le spasme des
 
poissons du couchant
Polis mes yeux polis-les à l’éclatante poussière de
 
tout ce qu’ils ont vu
Une épaule des boucles près d’un broc d’eau verte
Le matin
 
Dis ce qui est sous le matin sous le soir
 
Que j’aie enfin l’aperçu topographique de ces poches
 
extérieures aux éléments et aux règnes
Dont le système enfreint la distribution naïve des
 
êtres et des choses
Et prodigue au grand jour le secret de leurs affinités
De leur propension à s’éviter ou à s’étreindre
A l’image de ces courants
Qui se traversent sans se pénétrer sur les cartes
 
maritimes
Il est temps de mettre de côté les apparences individuelles d’autrefois
Si promptes à s’anéantir dans une seule châtaigne
 
de culs de mandrilles
D’où les hommes par légions prêts à donner leur vie Échangent un dernier regard avec les belles toutes
 
ensemble
Qu’emporte le pont d’hermine d’une cosse de fève
Mais polis mes yeux
A la lueur de toutes les enfances qui se mirent à la
 
fois dans une amande
Au plus profond de laquelle à des lieues et des lieues
S’éveille un feu de forge
 
Que rien n’inquiète l’oiseau qui chante entre les 8
De l’arbre des coups de fouet
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