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Aimé Césaire

Ton Portrait

je dis fleuve, corrosif
 
baiser d’entrailles,
 
fleuve, entaille, énorme étreinte
 
dans les moindres marais,
 
eau forcée forcenant aux vertelles
 
car avec les larmes neuves
 
je t’ai construite en fleuve
 
vénéneux
 
saccadé
 
triomphant qui vers les rives en fleur de la mer lance en balafre ma route mancenillière
 
Je dis fleuve
 
comme qui dirait patient crocodile royal
 
prompt à sortir du rêve
 
fleuve
 
comme anaconda royal
 
l’inventeur du sursaut
 
fleuve
 
jet seul comme du fond du cauchemar
 
les montagnes les plus
Pelées.
 
Fleuve
 
à qui tout est permis
 
surtout emporte mes rives
 
élargis-moi
 
à ausculter oreille le nouveau cœur corallien des marées
 
et que tout l’horizon de plus en plus vaste
 
devant moi
 
et à partir de ton groin s’aventure
 
désormais
 
remous
 
et liquide

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