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Aimé Césaire

Solide

cré nom de
Dieu ils ont assuré l’univers et tout pèse –tout – le fil à plomb de la gravité s’étant installé au fond facile de la solidité– les gisements d’uranium les
statues des jardins les amours perverses la rue qui seulement feint d’être fluide la rivière n’en parlons pas dont les trains plus pesants que mes pieds il n’est pas jusqu’au soleil
qui n’ait arrêté ses nuages à jamais fixes.
Fixe c’est d’ailleurs le commandement qui sans cesse retentit d’un bout à l’autre sur tout le front de cette étrange armée du désespoir.
Le monde se fixe.
La pierre est fixe.
L’immense faux mouvement est fixe et parle-moi de tes allures de petite folle que circonscrit le monde qui circonscrit un fleuve où chaque couple est sommé de se baigner deux fois et
d’où d’ailleurs ne surgiront jamais les vraies vaches de la débâcle avec son ranch de crochets et de racines.
 
Je suis une pierre couverte de ruines.
Je suis une île chaperonnée de guano.
Je suis une pyramide plantée par une dynastie disparue de toute mémoire un troupeau d’éléphants une piqûre de moustique une petite ville agrandie par le crime à
moins que ce ne soit la guerre du
Pacifique ou la charte de l’Atlantique.
Il y a des gens qui prétendent qu’ils pourraient reconstituer un homme à partir de son sourire.
C’est pourquoi je me garde de laisser mes empreintes dentales se mouler dans le mastic de l’air.
 
Visage de l’homme tu ne bougeras point tu es pris dans les coordonnées féroces de mes rides.

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