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Aimé Césaire

Mot

de moi-même
 
à moi-même
 
hors toute constellation
 
en mes mains serré seulement
 
le rare hoquet d’un ultime spasme délirant
 
vibre mot
 
j’aurai chance hors du labyrinthe plus long plus large vibre en ondes de plus en plus serrées en lasso où me prendre en corde où me pendre et que me clouent toutes les
flèches et leur curare le plus amer au beau poteau-mitan des très fraîches étoiles
 
vibre
 
vibre essence même de l’ombre
 
en aile en gosier c’est à force de périr
 
le mot nègre
 
sorti tout armé du hurlement
 
d’une fleur vénéneuse
 
le mot nègre
 
tout pouacre de parasites
 
le mot nègre
 
tout plein de brigands qui rôdent
 
des mères qui crient
 
d’enfants qui pleurent
 
le mot nègre
 
un grésillement de chairs qui brûlent
 
acre et de corne
 
le mot nègre
 
comme le soleil qui saigne de la griffe
 
sur le trottoir des nuages
 
le mot nègre
 
comme le dernier rire vêlé de l’innocence
 
entre les crocs du tigre
 
et comme le mot soleil est un claquement de balles
 
et comme le mot nuit un taffetas qu’on déchire
 
le mot nègre
 
dru savez-vous du tonnerre d’un été que s’arrogent
 
des libertés incrédules

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