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Aimé Césaire

Dyali

pour
L.
S.
Senghor
 
le pont de lianes s’il s’écroule
 
c’est sur cent mille oursins d’étoiles
 
à croire qu’il n’en fallait pas une seule de moins
 
pour harceler nos pas de bœuf-porteur
 
et éclairer nos nuits
 
il m’en souvient
 
et dans l’écho déjà lointain
 
ce feulement en nous de félins très anciens
 
Alors la solitude aura beau se lever d’entre les vieilles malédictions et prendre pied aux plages de la mémoire parmi les bancs de sable qui surnagent et la divagation
déchiquetée des îles je n’aurai garde d’oublier la parole du dyali
 
dyali
 
par la dune et l’élime
 
convoyeur de la sève et de la tendresse verte
 
inventeur du peuple et de son bourgeon
 
son guetteur d’alizés
 
maître de sa parole
 
tu dis dyali
 
et
Dyali je redis
 
le diseur d’essentiel
 
le toujours à redire
 
et voilà comme aux jours de jadis
 
l’honneur infatigable
 
Voilà face au
Temps
 
un nouveau passage à découvrir
 
une nouvelle brèche à ouvrir
 
dans l’opaque dans le noir dans le dur
 
et voilà une nouvelle gerbe de constellations à repérer
 
pour la faim pour la soif des oiseaux oubliés
 
de nouvelles haltes de nouvelles sources
 
et voilà
 
Voilà
 
la patience paysanne des semences à forcer et l’entêtement d’une conjuration de racines
 
à fond de terre à fond de cœur
 
à l’arraché du soleil
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