Victor Hugo

N’envions rien

Ô femme, pensée aimante
Et coeur souffrant,
Vous trouvez la fleur charmante
Et l’oiseau grand ;
 
Vous enviez la pelouse
Aux fleurs de miel ;
Vous voulez que je jalouse
L’oiseau du ciel.
 
Vous dites, beauté superbe
Au front terni,
Regardant tour à tour l’herbe
Et l’infini :
 
« Leur existence est la bonne ;
Là, tout est beau ;
Là, sur la fleur qui rayonne,
Plane l’oiseau !
 
Près de vous, aile bénie,
Lis enchanté,
Qu’est-ce, hélas ! que le génie
Et la beauté ?
 
Fleur pure, alouette agile,
À vous le prix !
Toi, tu dépasse Virgile ;
Toi, Lycoris !
 
Quel vol profond dans l’air sombre !
Quels doux parfums ! »
Et des pleurs brillent sous l’ombre
De vos cils bruns.
 
Oui, contemplez l’hirondelle,
Les liserons ;
Mais ne vous plaignez pas, belle,
Car nous mourrons !
 
Car nous irons dans la sphère
De l’éther pur ;
La femme y sera lumière
Et l’homme azur ;
 
Et les roses sont moins belles
Que les houris ;
Et les oiseaux ont moins d’ailes
Que les esprits !
 
                                               Août 18...

Les contemplations (1856)

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