Victor Hugo

La prière pour tous (VIII)

                               VIII.
 
Quand elle prie, un ange est debout auprès d’elle,
Caressant ses cheveux des plumes de son aile,
Essuyant d’un baiser son oeil de pleurs terni,
Venu pour l’écouter sans que l’enfant l’appelle,
Esprit qui tient le livre où l’innocente épelle,
Et qui pour remonter attend qu’elle ait fini.
 
Son beau front incliné semble un vase qu’il penche
Pour recevoir les flots de ce coeur qui s’épanche ;
Il prend tout, pleurs d’amour et soupirs de douleur ;
Sans changer de nature il s’emplit de cette âme,
Comme le pur cristal que notre soif réclame
S’emplit d’eau jusqu’aux bords sans changer de couleur.
 
Ah ! c’est pour le Seigneur sans doute qu’il recueille
Ces larmes goutte à goutte et ce lis feuille à feuille !
Et puis il reviendra se ranger au saint lieu,
Tenant prêts ces soupirs, ces parfums, cette haleine,
Pour étancher le soir, comme une coupe pleine,
Ce grand besoin d’amour, la seule soif de Dieu !
 
Enfant ! dans ce concert qui d’en bas le salue,
La voix par Dieu lui-même entre toutes élue,
C’est la tienne, ô ma fille ! elle a tant de douceur,
Sur des ailes de flamme elle monte si pure,
Elle expire si bien en amoureux murmure,
Que les vierges du ciel disent : c’est une soeur !
 
                                       Mai 1830.

Les feuilles d’automne (1831)

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