Victor Hugo

L’été à Coutances

Ah ! l’équinoxe cherche noise
Au solstice, et ce juin charmant
Nous offre une bise sournoise ;
L’été de Neustrie est normand !
 
Notre été chicane et querelle ;
Son sourire aime à nous leurrer ;
Il se, rétracte ; il tonne, il grêle ;
Il pleut, manière de pleurer.
 
Mais qu’importe ! entre deux orages,
Ses rayons glissent, fiers vainqueurs,
Et la pourpre est dans les nuages,
Et le triomphe est dans les coeurs.
 
Cette grande herbe est mon empire.
Je suis l’amant mystérieux
De l’âme obscure qui soupire
Au fond des bois, au fond des cieux !
 
Je suis roi chez les fleurs vermeilles.
Quelle extase d’être mêlé
Aux oiseaux, aux vents, aux abeilles,
Au vague essor du monde ailé !
 
L’arbre creux vous offre une chaise ;
L’iris vous suit de son oeil bleu ;
On contemple ; il semble qu’on baise
Le bord de la robe de Dieu.

Toute la lyre (1888 et 1893)

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