Victoire Babois

La fantaisie.

La nuit tombait sur la prairie ;
Écho dormait dans le vallon ;
Près du ruisseau chantait Silvie,
Et moi j’écoutais sa chanson.
D’Amour, dans sa vaine folie,
Croyant fuir le charme vainqueur,
Elle appelait la Fantaisie,
Et ne pouvait tromper son cœur.
 
« Frivole erreur, lui disait-elle,
Que j’aime ton enchantement !
Toujours vive et toujours nouvelle,
Tu fuis avant d’être un tourment.
Je veux une aimable folie ;
Je crains une tendre langueur.
Douce et volage Fantaisie,
Viens m’aider à tromper mon cœur.
 
De l’Amour tu m’offres les charmes,
Sans me préparer ses rigueurs ;
Tu ne fais point naître d’alarmes ;
Tu ne fais point verser de pleurs.
Sur les ailes de la Folie,
Ombre légère du bonheur,
Douce et volage Fantaisie,
Viens m’aider à tromper mon cœur.
 
Dans ton ivresse fugitive,
L’esprit conserve sa fierté.
L’Amour retient l’âme captive,
Et tu lui rends sa liberté.
Puisqu’il faut errer dans la vie,
Prenons la plus légère erreur.
Douce et volage Fantaisie,
Viens m’aider à tromper mon cœur. »
 
En vain, dis-je lors à Silvie,
Tu prends les traits de l’enjouement
Et les grelots de la Folie
Pour étourdir le sentiment.
Cette volage Fantaisie
Ne trompera jamais ton cœur.
Elle agite un instant la vie,
Et ne fait rien pour le bonheur.

Élégies et poésies diverses (1828)

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