Théodore de Banville

Ballade sur les hôtes mystérieux de la forêt.

Il chante encor, l’essaim railleur des fées,
Bien protégé par l’épine et le houx
Que le zéphyr caresse par bouffées.
Diane aussi, l’épouvante des loups,
Au fond des bois cache son cœur jaloux.
Son culte vit dans plus d’une chaumière.
Quand les taillis sont baignés de lumière,
A l’heure calme où la lune paraît,
Échevelée à travers la clairière,
Diane court dans la noire forêt.
 
De nénufars et de feuilles coiffées,
La froide nixe et l’ondine aux yeux doux
Mènent le bal, follement attifées,
Et près du nain, dont les cheveux sont roux,
Les sylphes verts dansent et font les fous.
On voit passer une figure altière,
Et l’on entend au bord de la rivière
Un long sanglot, un soupir de regret
Et des pas sourds qui déchirent du lierre :
Diane court dans la noire forêt.
 
Diane, au bois récoltant ses trophées,
Entend le cerf gémissant fuir ses coups
Et se pleurer en plaintes étouffées.
Un vent de glace a rougi ses genoux ;
Ses lévriers, ivres de son courroux,
Sont accourus à sa voix familière.
La grande Nymphe à la fauve paupière
Sur son arc d’or assujettit le trait ;
Puis, secouant sa mouvante crinière,
Diane court dans la noire forêt.
 
                       Envoi :
 
Prince, il est temps, fuyons cette poussière
Du carrefour, et la forêt de pierre.
Sous le feuillage et sous l’antre secret,
Nous trouverons la ville hospitalière ;
Diane court dans la noire forêt.

Trente-six ballades joyeuses (1873)

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