Théodore de Banville

À Sylvie.

Je veux vous peindre, ô belle enchanteresse,
Dans un fauteuil ouvrant ses bras dorés,
Comme Diane, en jeune chasseresse,
L’arc à la main et les cheveux poudrés.
 
Sur les rougeurs d’un ciel aux feux pourprés
Quelquefois passe un voile de tristesse,
Voilà pourquoi, lorsque vous sourirez,
Je veux vous peindre, ô belle enchanteresse !
 
Vous serez là, frivole et charmeresse,
Parmi les fleurs des jardins adorés
Où doucement le zéphyr vous caresse
Dans un fauteuil ouvrant ses bras dorés.
 
Auprès de vous, Madame, vous aurez
Le lévrier qui folâtre et se dresse,
Et le carquois plein de traits désœuvrés,
Comme Diane en jeune chasseresse.
 
Mais n’allez pas, fugitive déesse,
Chercher, pieds nus, par les bois et les prés
Un berger grec, et pâlir de tendresse,
L’arc à la main et les cheveux poudrés.
 
Heureusement le cadre d’or qui blesse
Vous retiendra dans ses bâtons carrés,
Et sauvera votre antique noblesse
D’enlèvements trop inconsidérés.
           Je veux vous peindre.

Les Cariatides (1842)

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