Sully Prudhomme

Les Danaïdes

                             Sonnet.
 
 
Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.
 
Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
« Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
Ô gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche ? »
 
Elles tombent, le vide épouvante leurs cœurs ;
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses sœurs,
Chante, et leur rend la force et la persévérance.
 
Tels sont l’œuvre et le sort de nos illusions :
Elles tombent toujours, et la jeune Espérance
Leur dit toujours : « Mes sœurs, si nous recommencions ! »

Les épreuves (1866)

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