Sully Prudhomme

L’étoile au cœur

Par les nuits sublimes d’été,
Sous leur dôme d’or et d’opale,
Je demande à l’immensité
Où sourit la forme idéale.
 
Plein d’une angoisse de banni,
À travers la flore innombrable
Des campagnes de l’infini,
Je poursuis ce lis adorable...
 
S’il brille au firmament profond,
Ce n’est pas pour moi qu’il y brille :
J’ai beau chercher, tout se confond
Dans l’océan clair qui fourmille.
 
Ma vue implore de trop bas
Sa splendeur en chemin perdue,
Et j’abaisse enfin mes yeux las,
Découragés par l’étendue.
 
Appauvri de l’espoir ôté,
Je m’en reviens plus solitaire,
Et cependant cette beauté
Que je crois si loin de la terre,
 
Un laboureur insoucieux,
Chaque soir à son foyer même,
Pour l’admirer, l’a sous les yeux
Dans la paysanne qu’il aime.
 
Heureux qui, sans vaine langueur,
Voyant les étoiles renaître,
Ferme sur elles sa fenêtre :
La plus belle luit dans son cœur.

Les vaines tendresses (1875)

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