Pierre Reverdy

La réalité immobile

Le soleil rôdait encore autour de la maison
Quand on ouvrit la fenêtre
 
Les ivrognes sont toujours là
 
Mais la chanson qui montait à la nuit a cessé
 
Maintenant quelle voix m’appelle
 
Quelle douce voix appelle derrière le mur de droite
 
En riant
 
Les hommes sont là
 
Endormis
 
Et ce n’est pas la même bouche qui chante
 
Une femme au loin pousse un cri
 
Sur le bord du balcon ses doigts dépassent
 
Ils sont fins et pointus
 
Et ce sont ces doigts que je regarde
 
Pendant qu’on m’appelle
 
De tous les champs par tous les chemins
 
Les gens arrivent
 
En habits noirs
 
En habits gris
 
Et d’autres en bras de chemise
 
Une voiture emplit la route de poussière
La maison est bientôt pleine d’étrangers
 
Et comme personne ne chante
Les hommes se sont réveillés
La pendule s’est arrêtée
Personne ne bouge...
Comme sur les images
Il n’y aura plus de nuit
 
C’est une vieille photographie sans cadre
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