Pierre Reverdy

Dans le monde etranger

Je ne peux plus regarder ton visage
 
Où te caches-tu
 
La maison s’est évanouie parmi les nuages
 
Et tu as quitté la dernière fenêtre
 
Où tu m’apparaissais
 
Reviens que vais-je devenir
 
Tu me laisses seul et j’ai peur
 
Rappelle-toi le temps où nous allions ensemble
 
Nous marchions dans les rues entre les maisons
 
Et sur la route au milieu des buissons
 
Parfois le vent nous rendait muets
 
Parfois la pluie nous aveuglait
 
Tu chantais au soleil
 
Et la neige me rendait gai
 
 
Je suis seul je frotte mes paupières
 
Et j’ai presque envie de pleurer
 
Il faut marcher vers cette lumière dans l’ombre
 
C’est toute une histoire à raconter
 
La vie si simple et droite sans tous les petits à côté
 
Vers la froide lumière que l’on atteindra malgré tout
 
 
Ne te presse pas
 
Qui est-ce qui souffle
 
Quand je serai arrivé qui est-ce qui soufflera
 
Mais seul je n’ose plus avancer
 
Alors je me mis à dormir
 
Peut-être pour l’éternité
 
Sur le lit où l’on m’a couché
 
Sans plus rien savoir de la vie
 
J’ai oublié tous mes amis
 
Mes parents et quelques maîtresses
 
J’ai dormi l’hiver et l’été
 
Et mon sommeil fut sans paresse
 
Mais pour toi qui m’as rappelé
Il va falloir que je me lève
Allons les beaux jours sont passés
Les longues nuits qui sont si brèves
Quand on s’endort entrelacés
 
Je me réveille au son lugubre et sourd
D’une voix qui n’est pas humaine
Il faut marcher et je te traîne
Au son lugubre du tambour
Tout le monde rit de ma peine
Il faut marcher encore un jour
 
A la tâche jamais finie
Que le bourreau vienne et t’attelle
Ce soir les beaux jours sont finis
Une voix maussade t’appelle
Pour toi la terre est refroidie
 
 
De loin je revois ton visage
Mais je ne l’ai pas retrouvé
Disparaissant à mon passage
De la fenêtre refermée
 
Nous ne marcherons plus ensemble
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