Paul Éluard

Les Ciseaux et leur père

Le petit est malade, le petit va mourir. Lui qui nous a donné la vue, qui a enfermé les obscurités dans les forêts de sapins, qui séchait les rues après l’orage. Il avait, il avait un estomac complaisant, il portait le plus doux climat dans ses os et faisait l’amour avec les clochers.

Le petit est malade, le petit va mourir. Il tient maintenant le monde par un bout et l’oiseau par les plumes que la nuit lui rapporte. On lui mettra une grande robe, une robe sur moyen panier, fond d’or, brodée avec l’or de couleur, une mentonnière avec des glands de bienveillance et des confettis dans les cheveux. Les nuages annoncent qu’il n’en a plus que pour deux heures. À la fenêtre, une aiguille à l’air enregistre les tremblements et les écarts de son agonie. Dans leurs cachettes de dentelle sucrée, les pyramides se font de grandes révérences et les chiens se cachent dans les rébus—les majestés n’aiment pas qu’on les voie pleurer. Et le paratonnerre ? Où est monseigneur le paratonnerre ?

Il était bon. Il était doux. Il n’a jamais fouetté le vent, ni écrasé la boue sans nécessité. Il ne s’est jamais enfermé dans une inondation. Il va mourir. Ce n’est donc rien du tout d’être petit

"Les Malheurs des immortels"

#ÉcrivainsFrançais

Autres oeuvres par Paul Éluard...



Haut