Paul Éluard

Hasards noirs des voyages

I
 
Parfaitement éveillée et très belle
A-t-elle le pain qu’il lui faut
Elle n’a que sa beauté
Cet éclat perché haut comme une étoile seule
Pourtant la terre est là
 
II
 
Pour voir la terre il faut voir
L’homme et ses enfants hors d’âge
 
Nul n’a de nom ni d’empire
 
III
 
Ô ma muette désolée
Le chasseur ivre prend ta place
Contemplons le souverain maître
Il s’engourdit
L’acier prolongeait sa prunelle
Pour lui maintenant le monde est couché
 
IV
 
Et sous les couvertures dures de la terre
La vie est pleine comme un œuf
D’un bouquet d’ombres colorées ombres formées et mûres
Et de jolies yeux purs riant à des langues tirées
 
V
 
Ô ma sœur mon bel amant
Je te garde le soleil
Le bel espoir du soleil
Je te réchaufferai
Je te désaltérerai
 
VI
 
La clarté perce les murs
La clarté perce tes yeux
Tu vas voir et tu vivras
 
VII
 
Nos caresses d’or nos vagues lustrées
Nos corps confondus le temps transparent
Nous concevrons le bonheur
Dans le plus grand des miroirs.

"Poésie et vérité"

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