Maurice Rollinat

Le soleil sur les pierres

Sur les rocs, comme au ciel, le monarque du feu
             Se donne, ici, libre carrière.
             L’œil cuit, caché sous la paupière,
Aux fulgurants reflets du grisâtre et du bleu.
 
Fourmillements d’éclairs de miroirs, de rapières
             Et de diamants... il en pleut !
L’astre brûle : sa roue épand sa chaleur fière,
             Autant du tour que du moyeu.
 
Ni nuage, ni vent, ni brume, ni poussière !
             Il s’étale, entre comme il veut,
Doublé, répercuté partout, et rien ne peut
             Faire un écran à sa lumière.
 
Pas l’ombre d’un lézard ou d’un serpent, si peu
             Que ce soit ! d’aucune manière !
Pas une libellule au repos comme au jeu !
             Rien, pas même une fourmilière !
 
Pas un spectre d’ajonc, pas un fil de bruyère !
             Le nu des braises, c’est ce lieu
Où la Mort à foison réalise son vœu
             De solitude bien entière.
 
Là, sans même un torrent qui gronde à son milieu,
Triomphe inertement l’éternelle matière.
Désert, vide, silence et splendeur : l’astre-dieu
Mire son infini dans l’enfer de la pierre.

Paysages et paysans (1899)

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