Si l’enfant sommeille,
Il verra l’abeille,
Quand elle aura fait son miel,
Danser entre terre et ciel.
Si l’enfant repose,
Un ange tout rose,
Que la nuit seule on peut voir,
Viendra lui dire : « Bonsoir. »
Si l’enfant est sage,
Sur son doux visage
La vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.
Si mon enfant m’aime,
Dieu dira lui-même :
J’aime cet enfant qui dort ;
Qu’on lui porte un rêve d’or.
Fermez ses paupières,
Et sur ses prières,
De mes jardins pleins de fleurs,
Faites glisser les couleurs.
Ourlez-lui des langes,
Avec vos doigts d’anges,
Et laissez sur son chevet
Pleuvoir votre blanc duvet.
Mettez-lui des ailes
Comme aux tourterelle,
Pour venir dans mon soleil
Danser jusqu’à son réveil !
Qu’il fasse un voyage,
Aux bras d’un nuage,
Et laissez-le, s’il lui plaît,
Boire à mes ruisseaux de lait !
Donnez-lui la chambre
De perles et d’ambre.
Et qu’il partage en dormant
Nos gâteaux de diamant !
Brodez-lui des voiles,
Avec mes étoiles,
Pour qu’il navigue en bateau
Sur mon lac d’azur et d’eau !
Que la lune éclaire
L’eau pour lui plus claire,
Et qu’il prenne au lac changeant
Mes plus fins poissons d’argent !
Mais je veux qu’il dorme,
Et qu’il se conforme
Au silence des oiseaux,
Dans leurs maisons de roseaux !
Car si l’enfant pleure,
On entendra l’heure
Tinter partout qu’un enfant
A fait ce que Dieu défend !
L’écho de la rue,
Au bruit accourue,
Quand l’heure aura soupiré,
Dira : « L’enfant a pleuré ! »
Et sa tendre mère,
Dans sa nuit amère,
Pour son ingrat nourrisson
Ne saura plus de chanson !
S’il brame, s’il crie,
Par l’aube en furie
Ce cher agneau révolté
Sera peut-être emporté !
Un si petit être,
Par le toit, peut-être,
Tout en criant, s’en ira,
Et jamais ne reviendra !
Qu’il rôde en ce monde,
Sans qu’on lui réponde,
Jamais l’enfant que je dis
Ne verra mon paradis !
Oui ! mais s’il est sage,
Sur son doux visage
La vierge se penchera
Et longtemps lui parlera !