Louise Labé

Sonnet de la belle cordière

Las ! cettui jour, pourquoi l’ai-je dû voir,
Puisque ses yeux allaient ardre mon âme ?
Doncques, Amour, faut-il que par ta flamme
Soit transmué notre heur en désespoir !
 
Si on savait d’aventure prévoir
Ce que vient lors, plaints, poinctures et blâmes ;
Si fraîche fleur évanouir son bâme
Et que tel jour fait éclore tel soir ;
 
Si on savait la fatale puissance,
Que vite aurais échappé sa présence !
Sans tarder plus, que vite l’aurais fui !
 
Las, Las ! que dis-je ? O si pouvait renaître
Ce jour tant doux où je le vis paraître,
Oisel léger, comme j’irais à lui !
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