Louise Colet

Portrait.

C’est un de ces frétons de la littérature,
Qui, d’auteurs en auteurs, butinent leur pâture,
Formant péniblement, de ce qu’ils ont volé,
Un volume indigeste, et de vers, et de prose,
Où, sur le frontispice un artiste les pose
         En noir démon échevelé !
 
C’est un de ces faiseurs de mauvais mélodrame,
Singeant les passions, et n’ayant rien dans l’âme ;
Qui font joyeuse vie et chantent leurs regrets ;
Parlent du désespoir d’une jeunesse aride ;
Se meurent lentement, et n’ont pas une ride
         Sur leurs visages gras et frais !
 
C’est un de ces dandys, de ces fats à la mode,
Qu’un ami de province à Paris incommode ;
Qui nomment leur vieux père avec un air railleur ;
Qui, montent, à Long-Champs, une jument fringante,
Ont un habit de Staub, à la coupe élégante,
Et n’ont jamais payé ni sellier, ni tailleur.
 
Un de ces mendiants d’éloges de gazette,
A qui d’un feuilleton l’encens tourne la tête :
Et qui, pour obtenir cette gloire d’un jour,
Font mille humbles salut s, prodiguent des visites,
Ou captent les bravos des auteurs parasites
         Dans un rendez-vous chez Véfour !
 
Là, lorsqu’ils ont vidé Champagne et malvoisie,
En le proclamant tous roi de la poésie.
Ils ceignent de lauriers l’heureux amphitryon ;
Et lui, mauvais acteur, né pour être comparse,
Qui peint le sentiment comme on peindrait la farce,
         Se croit aussi grand que Byron !
 
Je ne sais si les chants que son luth criard vibre,
Ont de son faible esprit dérangé l’équilibre ;
Mais lorsqu’il fit gémir la presse et l’éditeur,
Sans l’avoir demandé, j’ai reçu son ouvrage,
Avec ces mots écrits sur la première page :
         « Offert par la main de l’auteur ! »
 
Puis, comme je cherchais au fond de ma province,
Un éloge à la fois poli, mais assez mince,
Pour cet enfant mort-né, sans vie et sans chaleur,
Pour ces vers secs et durs, qu’un âne semble braire,
J’ai reçu tout-à-coup de Lafont, son libraire,
Un mandat, dont je viens d’acquitter la valeur.

Fleurs du midi (1836)

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