Louise Colet

Les orphelins de Palerme.

Le jour vient de tomber, jour brûlant de l’été
Qui laisse, en s’éteignant, un crépuscule rose
Dont la lueur descend en reflet argenté
Sur l’enfant chaste et nu, qui mollement repose.
 
Insoucieux, il dort ; pour lui le jour fut plein
De doux soins, qu’il a pris pour les soins d’une mère.
Il ne sait pas encore, pauvre enfant orphelin
Qu’il n’a plus qu’une sœur dont la vie est amère ;
 
Une sœur que la mort épargna comme lui,
Quand le fléau changeait Palerme en cimetière,
Ange sauvé par Dieu pour être son appui,
Seul être survivant à sa famille entière.
 
Vierge de dix-sept ans, elle a déjà souffert
De ces graves douleurs qui vieillissent la femme ;
A l’amour maternel son cœur pur s’est ouvert
Avant qu’un autre amour soit éclos dans son âme.
 
Jeune, sans joie au cœur, et belle sans orgueil,
A son frère au berceau, sa vie est enchaînée ;
Pieuse, elle a juré sur un double cercueil
De remplacer, pour lui, leur mère moissonnée.
 
Si, durant son repos, elle l’entend gémir,
Elle verse un lait pur dans sa bouche vermeille,
Murmure encore le chant qui vient de l’endormir
Et se penche vers lui jusqu’à ce qu’il sommeille.
 
Mais son œil s’est fermé ; son petit bras pendant
Fait ployer le coussin de la chaise d’ébène,
Où, mieux qu’en son berceau la brise d’occident
Rafraîchira son corps de sa suave haleine.
 
La sœur reste à genoux près du frère qui dort ;
Avant de regagner sa couche virginale,
Sur leurs pauvres parents, endormis par la mort,
Elle prie, et vers Dieu sa prière s’exhale.
 
Alors la Foi répand sa céleste douceur
Sur les pensers de deuil que son âme renferme ;
Et la mère de Dieu sourit comme une sœur
A cette vierge-mère, orpheline à Palerme.
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