Louise Colet

L’hymen.

Ne rêves-tu jamais à ces heures d’extase
Qui précèdent l’hymen de deux jeunes époux ?
Quand l’amour, de leur cœur, comme ronde d’un vase,
Déborde en sentiments mystérieux et doux !
 
Dis, n’est-ce rien pour toi qu’une vierge qui pleure
En recevant l’aveu d’un amour désiré ?
Qu’un front pur qui rougit, si ta lèvre l’effleure ;
Qu’un céleste regard vers toi seul attiré ?
 
N’est-ce rien, quand tu lis dans sa chaste pensée,
D’y découvrir empreinte en sentiments de feu
Cette foi que le monde encore n’a pas glacée,
Et qui croit au bonheur, comme elle croit à Dieu !
 
Les pudiques secrets de son âme candide
De leur voile à tes yeux sont alors dépouillés ;
De ses jours sans amour elle te peint le vide,
Puis ses désirs naissants par toi seul éveillés.
 
Après ces doux accents viennent de longs silences ;
Sa tête sur ton sein semble s’abandonner :
Mais soudain elle fuit ; vers elle tu t’élances.
Et tu prends un baiser qu’elle n’osait donner ;
 
A ce larcin d’amour un jeu naïf succède :
Ce sont ses longs cheveux que tu veux détacher ;
Elle retient ta main ; tu souris, elle cède,
Et sous leur blond tissu ton front va se cacher.
 
Ce sont sur tes yeux noirs ses petites mains blanches,
Dont folâtre et rieuse elle aime à te couvrir ;
C’est, lorsque sans parler vers elle tu le penches,
Un maintien languissant à te faire mourir !
 
Puis l’air manque à son cœur dévoré par la fièvre ;
Elle échappe à tes bras : tu la suis dans les champs,
Et cette volupté dont sa pudeur te sèvre
Tu la trouves encore dans ses regards touchants.
 
Elle revient à toi plus douce, plus aimante ;
S’accuse d’avoir fui ; met sa main dans ta main ;
Courbe sur ton épaule une tête charmante,
Et vous marchez tous deux sans suivre de chemin...
 
Quand tu la vois si belle à ton bras suspendue
Répondre aux mots d’amour qu’en tremblant tu lui dis,
Alors, qu’est l’univers pour ton âme éperdue,
Et la gloire et l’éclat qui t’enivraient jadis ?
 
La terre disparait, mais le ciel se révèle ;
A votre immense amour il faut l’immensité ;
Il faut à votre espoir une sphère nouvelle
Où vous aimiez ainsi durant l’éternité !
 
Le doute qui luttait dans votre âme orgueilleuse
Dans la félicité deviendrait un remords :
La foi naît du bonheur : Quand la vie est heureuse.
On voudrait l’assurer au-delà de la mort.
 
Et tous les deux alors mêlant votre prière
Vous unissez vos cœurs ; et dans un même vœu,
Le regard vers le ciel, à genoux sur la pierre,
De vous avoir créés vous remerciez Dieu !

Fleurs du midi (1836)

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