Joseph Autran

Nuit de mai

Au couchant lumineux quand le jour se replie,
Qu’une planète au ciel déjà peut s’entrevoir,
Il fait bon, couple errant sur une onde assouplie,
De respirer à deux l’air embaumé du soir,
De saluer là-haut ces premières étoiles
Dont le rayon lointain nous invite à rêver :
Matelot ! Matelot ! Laisse tomber tes voiles ;
Notre rêve est si doux que je veux l’achever !
 
Extase où, sans effort, tout chagrin se dissipe !
Du ciel et de la mer contempler les couleurs,
Aspirer dans le vent, qui vient du Pausilippe,
Le parfum des citrons et des lauriers en fleurs ;
Sentir si près de soi la femme qu’on adore,
Voir son sein par moment d’amour se soulever !
Matelot, matelot, ne rentrons pas encore ;
Notre rêve est si doux que je veux l’achever !
 
Ses cheveux dénoués que l’ivoire abandonne,
Mêlés à mes cheveux, flottent au même vent ;
Son front penche ; ses doigts, de fée ou de Madone,
Frémissent dans ma main sous mon baiser fervent.
Loin des jaloux déçus, loin des perfides trames,
Le bonheur est ici pour qui sait le trouver :
Matelot, matelot, laisse pendre tes rames ;
Notre rêve est si doux que je veux l’achever !

Les Poèmes de la mer (1859)

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