Jean Cocteau

Vieux monde...

Vieux monde où j’ai vécu tu pars tu te détaches
Tu disparais hélas
Mais je ferme les yeux et retrouve les taches
Peintes sur nos atlas.
 
Un nouveau monde arrive et votera des charmes
À notre monde épais
Car la naïve peur y fabrique des armes
Pour défendre la paix.
 
La France y redevint ce qu’elle fut à l’âge
Où l’enfant veut marcher.
Ses coqs se répondaient de village en village
De clocher en clocher.
 
Sa terre généreuse aimait nourrir les hommes.
(C’était à seule fin
De les manger après). Bêtes de somme sommes
L’homme et la terre ont faim.
 
Or votre ciel avec ses aigles mécaniques
Dont explosent les œufs
Un jour regrettera nos appareils antiques
Comme le char à bœufs.
 
Vieux monde je vous vois partir à la dérive...
J’agite mon mouchoir.
La mort en vérité n’aime pas que je vive
Et m’invite à m’asseoir.
 
Votre temps je vivrai puisque rien ne s’efface
Sur l’ardoise du temps
Et déjà séparé de vous par une glace
Je regarde et j’attends.
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