Dans l’Aurore, un grand quotidien parisien,
le 23 novembre 1972
On pouvait voir le portrait de trois chiens :
Tom le setter irlandais
Patrick le carlin
et Vicky le caniche nain
« les trois chiens de la Maison Blanche habillés de rubans multicolores en l’honneur de Noël, chargés habituellement de délasser le Président Nixon des soucis de la politique ».
Ce sont vos chiens monsieur le Président
mais dites-moi, le chien de qui êtes-vous ? certainement
pas un chien perdu, un bon Médor fouillant dans la
boîte de Pandore pour découvrir un peu de bonheur. Vous n’êtes pas, non plus, comme Papillon le chien de
madame Chautard et l’ami d’un petit chat qu’on
avait jeté dans la Durance.
«—Ils me jetaient des pierres pour me tuer.—Allons, répondait Papillon, ne pense plus à ces choses. Dors ! Puis il s’est mis à lécher son ami sur le front, justement là où sont les idées tristes des petits chats. »
Les petits enfants du Viêt-Nam que vous avez et que vous arrachez chaque jour à la vie, eux non plus, comme le petit chat ne voulaient pas, ne veulent pas mourir.
Alors !
Alors vous n’êtes pas un bon chien.
Tout bêtement, trop souvent, tout simplement vous êtes comme un roi des rois, le roi des chiens méchants.
Des chiens policiers, des chiens bombardiers, des chiens racistes, assassins, éventreurs.
Et vous portez collier d’or et chaîne de plutonium rivée à votre grande Niche Blanche.
Blanc comme elle
le linge sèche devant
en plein vent.
Pas la moindre tache de saleté cachée,
la moindre trace de sang coagulé.
Le jardin n’est pas défolié.
Les tondeuses à gazon ronronnent pendant que tombent au Viêt-Nam les bombes de trente tonnes et que les majorettes de la majorité qui se tait claironnent, la jambe en l’air, l’entrain, la gaieté.
Le silence est d’or malgré le vacarme de la mort.
Et vous en profitez, monsieur le Président Nixon, pour proclamer dans les micros du monde entier les statuts de votre liberté
Article premier :
Seuls nous serons libres d’être libres et Dieu reconnaîtra les chiens !
Les chiens !
S’il en a été question ici c’est à cause d’un dessin de
Sandy avec un chien déjà ancien Sandy c’est Calder
Calder est américain et l’Amérique est son pays un pays comme un autre, mais peut-être un peu trop
grand pour lui un pays vivant, tragique et marrant avec dedans pas seulement des chiens dévorants mais des très malheureux et des trop contents d’eux, et des amis, et des amants, des fous, des savants, des enfants merveilleux noirs et blancs.
Ce pays je le connais à peine
Sandy je le connais à plaisir
Fasse le fil des jours dans les aiguilles du temps
Un de ces jours-là, précisément, Janine ma femme, demandait à Sandy s’il y avait longtemps qu’on se connaissait.
—Oui longtemps, très longtemps, à Montparnasse, sous
la table ! répondit Sandy à très peu de choses près, c’était vrai.