Henri-Frédéric Amiel

La vie intérieure.

Aux deux extrémités du jour, lorsque la nuit
         Étend ou retire ses voiles,
Quand le rayon douteux qui revient ou s’enfuit
         Laisse au ciel briller les étoiles,
Alors, comme dans l’ombre un vaillant ouvrier
         S’assied, au labeur faisant trêve,
Entre l’heure d’agir et l’heure d’oublier,
         La Terre se recueille et rêve.—
Aux bornes du sommeil, quand enfin l’homme éteint
         Sa lampe ou déjà la rallume,
Dans notre esprit alors notre avenir se peint,
         Et notre passé se résume ;
Revoyant ses désirs, ses peines ou ses torts,
         L’âme regrette, espère ou pleure ;
Et, sur soi repliée et comptant ses trésors,
         Vit de sa vie intérieure.

Il penseroso (1858)

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