Gérard de Nerval

Une amoureuse flamme

Une amoureuse flamme
Consume mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !
 
Son départ, son absence
Sont pour moi le cercueil ;
Et loin de sa présence
Tout me paraît en deuil.
 
Alors, ma pauvre tête
Se dérange bientôt ;
Mon faible esprit s’arrête,
Puis se glace aussitôt.
 
Une amoureuse flamme
Consume mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !
 
Je suis à ma fenêtre,
Ou dehors, tout le jour,
C’est pour le voir paraître,
Ou hâter son retour.
 
Sa marche que j’admire,
Son port si gracieux,
Sa bouche au doux sourire,
Le charme de ses yeux ;
 
La voix enchanteresse
Dont il sait m’embraser,
De sa main la caresse,
Hélas ! et son baiser...
 
D’une amoureuse flamme
Consumant mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !
 
Mon coeur bientôt se presse,
Dès qu’il le sent venir ;
Au gré de ma tendresse
Puis-je le retenir ?
 
Ô caresses de flamme !
Que je voudrais un jour
Voir s’exhaler mon âme
Dans ses baisers d’amour !

Odelettes (1853)

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