Gérard de Nerval

La grand’mère

Voici trois ans qu’est morte ma grand’mère,
La bonne femme,—et, quand on l’enterra,
Parents, amis, tout le monde pleura
D’une douleur bien vraie et bien amère.
 
Moi seul j’errais dans la maison, surpris
Plus que chagrin ; et, comme j’étais proche
De son cercueil,—quelqu’un me fit reproche
De voir cela sans larmes et sans cris.
 
Douleur bruyante est bien vite passée :
Depuis trois ans, d’autres émotions,
Des biens, des maux,—des révolutions,—
Ont dans les murs sa mémoire effacée.
 
Moi seul j’y songe, et la pleure souvent ;
Depuis trois ans, par le temps prenant force,
Ainsi qu’un nom gravé dans une écorce,
Son souvenir se creuse plus avant !

Odelettes (1854)

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