Ceux-ci, de qui vos yeux admirent la venue,
Pour un fameux honneur qu’ils brûlent d’acquérir
Partis des bords lointains d’une terre inconnue,
S’en vont au gré d’Amour tout le monde courir.
Ce grand démon, qui se déplaît
D’être profané comme il est,
Par eux veut repurger son temple ;
Et croit qu’ils auront ce pouvoir
Que ce qu’on ne fait par devoir
On le fera par leur exemple.
Ce ne sont point esprits qu’une vague licence
Porte inconsidérés à leurs contentements ;
L’or de cet âge vieil où régnait l’innocence
N’est pas moins en leurs mœurs qu’en leurs accoutrements.
La foi, l’honneur et la raison
Gardent la clef de leur prison ;
Penser au change leur est crime ;
Leurs paroles n’ont point de fard ;
Et faire les choses sans art
Est l’art dont ils font plus d’estime.
Composez-vous sur eux, âmes belles et hautes ;
Retirez votre humeur de l’infidélité ;
Lassez-vous d’abuser les jeunesses peu cautes,
Et de vous prévaloir de leur crédulité.
N’ayez jamais impression
Que d’une seule passion,
À quoi que l’espoir vous convie.
Bien aimer soit votre vrai bien ;
Et, bien aimés, n’estimez rien
Si doux qu’une si douce vie.
On tient que ce plaisir est fertile de peines,
Et qu’un mauvais succès l’accompagne souvent :
Mais n’est-ce pas la loi des fortunes humaines
Qu’elles n’ont point de havre à l’abri de tout vent ?
Puis cela n’advient qu’aux amours
Où les désirs, comme vautours,
Se paissent de sales rapines ;
Ce qui les forme les détruit :
Celles que la vertu produit
Sont roses qui n’ont point d’épines.