(Sur la réduction de Marseille à l’obéissance de ce roi, sous
les ordres du duc de Guise, gouverneur de Provence.)
1596.
Enfin, après tant d’années,
Voici l’heureuse saison,
Où nos misères bornées
Vont avoir leur guérison.
Les dieux, longs à se résoudre,
Ont fait un coup de leur foudre,
Qui montre aux ambitieux
Que les fureurs de la terre
Ne sont que paille et que verre
À la colère des cieux.
Peuples, à qui la tempête
A fait faire tant de vœux,
Quelles fleurs à cette fête
Couronneront vos cheveux ?
Quelle victime assez grande
Donnerez-vous pour offrande ?
Et quel Indique séjour
Une perle fera naître
D’assez de lustre pour être
La marque d’un si beau jour ?
Cet effroyable colosse,
Cazaux, l’appui des mutins,
A mis le pied dans la fosse
Que lui cavaient les destins.
Il est bas, le parricide :
Un Alcide, fils d’Alcide,
À qui la France a prêté
Son invincible génie,
A coupé sa tyrannie
D’un glaive de liberté.
Les aventures du monde
Vont d’un ordre mutuel,
Comme on voit au bord de l’onde
Un reflux perpétuel.
L’aise et l’ennui de la vie
Ont leur course entresuivie
Aussi naturellement
Que le chaud et la froidure ;
Et rien, afin que tout dure,
Ne dure éternellement.
Cinq ans Marseille, volée
À son juste possesseur,
Avait langui désolée
Aux mains de cet oppresseur.
Enfin le temps l’a remise
En sa première franchise ;
Et les maux qu’elle endurait
Ont eu ce bien pour échange,
Qu’elle a vu parmi la fange
Fouler ce qu’elle adorait.
Déjà tout le peuple more
À ce miracle entendu ;
À l’un et l’autre Bosphore
Le bruit en est répandu ;
Toutes les plaines le savent,
Que l’Inde et l’Euphrate lavent ;
Et déjà, pâle d’effroi,
Memphis se pense captive,
Voyant si près de sa rive
Un neveu de Godefroi.