François Coppée

Le pêcheur.

Les pieds dans l’eau, bien plus persévérant qu’habile,
Portant, pendue au col, sa boîte aux asticots,
Sous l’arche du vieux pont sombre et pleine d’échos,
Le pêcheur s’est tenu, tout le jour, immobile.
 
Il ne voit ni le soir qui tombe, ni la ville
Qui s’endort dans des bruits vagues et musicaux,
Ni, sur les quais, à des intervalles égaux,
Le gaz qui fait éclore une étoile débile.
 
Puis, quand il ne peut plus observer les plongeons
De son liège, content de trois maigres goujons,
A rentrer au logis enfin il se résigne.
 
Ô poètes, troublés d’un éternel émoi,
N’avez-vous pas souvent envié comme moi
Le paisible bonheur d’un pêcheur à la ligne ?

Sonnets intimes et poèmes inédits (1911)

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