François Coppée

L’armure.

Pour un homme de taille énorme,
Droite sur son piquet de bois,
L’armure éclatante et difforme
Parle des héros d’autrefois.
 
Certes, il était d’une autre race,
Celui qui, sans plier le dos,
Sous le poids de cette cuirasse,
Combattait Talbot ou Chandos.
 
Parmi les belliqueux vacarmes,
Sur ce farouche morion
L’estoc lourd et le fléau d’armes
Faisaient pleuvoir maint horion,
 
Sans que le cheval d’Aquitaine,
Que des jambarts doublés de cuir
Étreignait le bon capitaine,
Se retournât jamais pour fuir.
 
Vieille armure ! les épopées
Sont loin, où par toi l’on vainquait.
Bayard, après cent coups d’épées,
A péri d’un coup de mousquet.
 
Tu peux, bric-à-brac et ferraille,
Plaire encore à quelque rapin ;
Mais cependant l’artiste raille
Sans le vouloir, quand il te peint,
 
Et, dans ce gouffre noir et vide
Qu’on voit par le brassard absent,
Montre que sous l’acier livide
Aucun cœur ne bat à présent.

Sonnets intimes et poèmes inédits (1911)

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