François Coppée

Le Feu follet.

Par une nuit d’orage et sous un ciel en deuil,
Parfois le paysan qui sort d’une veillée
Aperçoit au détour de la route mouillée
Un feu follet énorme et fixe comme un œil.
 
S’il s’avance, domptant son effroi par orgueil,
Le feu recule et semble, au fond de la feuillée,
Par la brise de mer tordue et travaillée
Une flamme d’alarme, au loin, sur un écueil ;
 
Mais s’il fuit, le poltron, et regarde en arrière,
Il voit, tout près, tout près, l’infernale lumière,
Grossissante et dardant sur lui son œil mauvais.
 
Ô vieux désir, pourquoi donc me poursuivre encore,
Puisque tu t’es enfui quand je te poursuivais ?
Quand donc t’éteindras-tu ? Quand donc viendra l’aurore ?

Poèmes divers (1869)

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