François Coppée

Douleur bercée.

Toi que j’ai vu pareil au chêne foudroyé,
Je te retrouve époux, je te retrouve père ;
Et sur ce front songeant à la mort qui libère,
Jadis le pistolet pourtant s’est appuyé.
 
Tu ne peux pas l’avoir tout à fait oublié.
Tu savais comme on souffre et comme on désespère ;
Tu portais dans ton sein l’infernale vipère
D’un grand amour trahi, d’un grand espoir broyé.
 
Sans y trouver l’oubli, tu cherchais les tumultes,
L’orgie et ses chansons, la gloire et ses insultes,
Et les longues clameurs de la mer et du vent.
 
Qui donc à ta douleur imposa le silence ?
– Ô solitaire, il a suffi de la cadence
Que marque le berceau de mon petit enfant.

Le cahier rouge (1892)

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