Évariste de Parny

Du plus malheureux des amants

               Élégie I.
 
 
Du plus malheureux des amants
Elle avait essuyé les larmes,
Sur la foi des nouveaux serments
Ma tendresse était sans alarmes ;
J’en ai cru son dernier baiser ;
Mon aveuglement fut extrême.
Qu’il est facile d’abuser
L’amant qui s’abuse lui-même !
 
Des yeux timides et baissés,
Une voix naïve et qui touche,
Des bras autour du cou passés,
Un baiser donné sur la bouche,
Tout cela n’est point de l’amour.
J’y fus trompé jusqu’à ce jour.
Je divinisais les faiblesses ;
Et ma sotte crédulité
N’osait des plus folles promesses
Soupçonner la sincérité ;
Je croyais surtout aux caresses.
 
Hélas ! en perdant mon erreur,
Je perds le charme de la vie.
J’ai partout cherché la candeur,
Partout j’ai vu la perfidie.
Le dégoût a flétri mon cœur.
Je renonce au plaisir trompeur,
Je renonce à mon infidèle ;
Et, dans ma tristesse mortelle,
Je me repens de mon bonheur.

Élégies (1784)

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