Évariste de Parny

Dieu des amours

                             Élégie IV.
 
 
Dieu des amours, le plus puissant des dieux,
Le seul du moins qu’adora ma jeunesse ;
Il m’en souvient, dans ce moment heureux
Où je fléchis mon ingrate maîtresse,
Mon cœur crédule et trompé par vous deux
Mon faible cœur jura d’aimer sans cesse.
Mais je révoque un serment indiscret.
Assez longtemps tu tourmentas ma vie,
Amour, amour, séduisante folie !
Je t’abandonne, et même sans regret.
Loin de Paphos la raison me rappelle,
Je veux la suivre et ne veux suivre qu’elle.
 
Pour t’obéir je semblais être né :
Vers tes autels dès l’enfance entraîné,
Je me soumis sans peine à ta puissance.
Ton injustice a lassé ma constance :
Tu m’as puni de ma fidélité.
Ah ! j’aurais dû, moins tendre et plus volage,
User des droits accordés au jeune âge.
Oui, moins soumis, tu m’aurais mieux traité.
Bien insensé celui qui près des belles
Perd en soupirs de précieux instants !
Tous les chagrins sont pour les cœurs fidèles ;
Tous les plaisirs sont pour les inconstants.

Élégies (1784)

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