Évariste de Parny

Palinodie

Jadis, trahi par ma maîtresse,
J’osais calomnier l’Amour ;
J’ai dit qu’à ses plaisirs d’un jour
Succède un siècle de tristesse.
Alors, dans un accès d’humeur,
Je voulus prêcher l’inconstance.
J’étais démenti par mon cœur ;
L’esprit seul a commis l’offense.
 
Une amante m’avait quitté ;
Ma douleur s’en prit aux amantes.
Pour consoler ma vanité,
Je les crus toutes inconstantes.
Le dépit m’avait égaré.
Loin de moi le plus grand des crimes,
Celui de noircir par mes rimes
Un sexe toujours adoré,
Que l’amour a fait notre maître,
Qui seul peut donner le bonheur,
Qui sans notre exemple peut-être
N’aurait jamais été trompeur.
Malheur à toi, lyre fidèle,
Où j’ai modulé tous mes airs,
Si jamais un seul de mes vers
Avait offensé quelque belle !
 
Sexe léger, sexe charmant,
Vos défauts sont votre parure.
Remerciez bien la nature,
Qui vous ébaucha seulement.
Sa main bizarre et favorable
Vous orne mieux que tous vos soins ;
Et vous plairiez peut-être moins,
Si vous étiez toujours aimable.

Poésies érotiques (1778)

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